Bon 1er août!

Chers et Chères Confédérés,

Ce premier jour d’août constitue pour nous l’occasion de remercier sincèrement nos devanciers qui nous ont permis de célébrer une nouvelle fois notre fête nationale dans un pays libre et en paix. C’est un privilège exceptionnel dans un monde où frappent famines et guerres un peu partout. Nous sommes les héritiers de ces générations qui se sont succédé depuis le serment du Grütli, lorsque les gens et les communautés d’Uri, Schwyz et Unterwald s’engagèrent à se prêter mutuellement un soutien sans borne contre tous ceux qui, dans leurs vallées et au dehors, les attaqueraient ou leur causeraient du tort.

Ils avaient décidé de vivre libres et d’assumer les risques que leur choix impliquait. Une telle sédition n’était pas du goût des puissants qui firent de leur mieux pour ramener ces premiers Suisses à la raison. La détermination des Waldstätten, leur courage leur permirent de maintenir à distance les seigneurs qui tenaient à les ramener à leur condition de sujets. Au fil du temps, villes et cantons rejoignirent les Confédérés pour façonner le pays qui est le nôtre aujourd’hui. Traverser les siècles n’a pas toujours été chose facile, nos aïeux ont souvent fait face aux maux de l’Histoire mais ils ont tenu bon. Nous leur devons beaucoup.

En choisissant de s’émanciper des puissants, nos devanciers ont pris leur destin en main, décidant par et pour eux-mêmes. Ils ont ainsi posé les bases d’un privilège rarissime dont nous jouissons toutes et tous, la démocratie directe. Habitués à nous prononcer sur les sujets les plus variés quatre fois par année, nous ne mesurons sans doute plus vraiment la valeur de cet héritage inestimable. Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil chez nos voisins pour mesurer la chance qui est la nôtre. Nous déléguons certaines prérogatives à nos élus mais gardons le contrôle sur leur travail et pouvons corriger les décisions que nous estimons erronées. Nous pouvons également proposer de modifier la Constitution par le biais de l’initiative populaire, droit inconnu loin à la ronde.

C’est sans doute l’une des raisons qui nous vaut la situation enviable qui est la nôtre. Le destin de notre pays n’est pas confié à quelques-uns mais reste entre nos mains, nous façonnons nous-mêmes l’avenir que nous voulons. Gardons-nous néanmoins de considérer la démocratie directe comme définitivement acquise. Ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui voudraient limiter les droits populaires, estimant que la masse ne dispose pas des outils nécessaires pour se prononcer sur certains sujets complexes. Seuls les spécialistes devraient avoir voix au chapitre. Il n’en est rien. C’est précisément parce que les élites autoproclamées ne sont pas en mesure d’imposer leurs vues que notre pays se porte bien.

Autre menace qu’il convient de prendre en compte, la tendance regrettable que manifeste le monde politique à ne tenir que très partiellement compte des décisions populaires. Il arrive de moins en moins rarement que le verdict des urnes soit travesti voire ignoré par les élus. Je pense notamment à la 13ème rente AVS largement soutenue en votation qui peine pourtant à s’imposer à Berne. On traine les pieds sous la coupole malgré un verdict populaire pour le moins clair. Cela apporte de l’eau au moulin de ceux qui choisissent de s’abstenir sur l’air « de toute façon, ils font quand même comme ils veulent ».

La démocratie directe est pourtant indissociable de la Suisse. Aucune grande décision n’a échappé au verdict populaire ; ce que nous sommes, nous avons choisi de l’être. Dans un avenir proche, nous allons nous prononcer sur le futur de notre souveraineté. Devons-nous abandonner une part de nos droits démocratiques au profit d’accords internationaux ou au contraire faut-il avec Victor Hugo considérer qu’il faut sauver la liberté car la liberté sauve le reste ?

En rendant hommage à nos devanciers, en célébrant aujourd’hui cette Suisse qui est la nôtre, nous avons l’occasion de réfléchir à la question qui nous sera posée dans un an ou deux. La réponse que nous donnerons façonnera le pays dans lequel vivront ceux qui nous suivent.

Pour conclure, j’aimerais reprendre quelques mots tirés de l’hymne neuchâtelois qui me semblent adaptés aux Confédérés que nous sommes : « Nous sommes les enfants heureux de la meilleure des patries. »

Que la fête soit belle, joyeux Premier Août à toutes et à tous !

Voeux 1er août - Lionel Dugerdil